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la pensée de schopenhauer

à notre bien véritable ; si bien que nous sommes fréquemment obligés de reconnaître après coup qu’il était fou de vouloir suivre la direction opposée. Ducunt volentem fata, nolentem trahunt.

Nous serions ainsi irrésistiblement amenés à admettre, comme un postulat métaphysique et moral, une identité primordiale et foncière de la contingence et de la nécessité. Je considère d’ailleurs qu’il est impossible de se faire une idée claire de cette unité cachée où l’une et l’autre auraient leur racine. Tout ce qu’on en peut dire, c’est quelle devrait réunir en elle, à la fois ce que les Anciens appelaient le Destin, είμαρμενη, πεπρωμενη, fatum, ce que ces mêmes Anciens entendaient par le génie tutélaire attaché à chaque individu, et enfin ce que les chrétiens adorent sous le nom de Providence, προνοια. Entre ces trois sortes de puissances il y a cette différence que la première est conçue comme aveugle et les deux autres comme clairvoyantes. Mais cette distinction anthropomorphique perd toute signification du point de vue de l’essence métaphysique et intérieure des choses. Or c’est là seulement qu’il nous faut aller chercher à sa racine cette unité inexplicable du tortuit et du nécessaire, où il paraî-