Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
la pensée de schopenhauer

par la pensée tous les êtres connaissants, et de n’y laisser que la nature végétale et inorganique. Le rocher, l’arbre, le ruisseau, le ciel bleu s’y trouveront ; le soleil, la lune et les étoiles éclaireront comme auparavant cet Univers, sauf qu’évidemment ils luiront en vain, puisqu’il n’y aura plus d’œil pour les voir. Maintenant introduisons, après coup, dans cet Univers un être connaissant. Dès ce moment, le monde figurera donc une seconde fois dans le cerveau de cet être ; il se répétera à l’intérieur de ce cerveau exactement tel qu’il était déjà au dehors. Au premier monde un second est ainsi venu s’ajouter, qui, bien que totalement séparé de lui, lui ressemble néanmoins à s’y méprendre. Tel, dans l’espace objectif infini, le monde objectif ; ainsi maintenant, dans l’espace subjectif, dans l’espace perçu, le monde subjectif de cette perception apparaît constitué identiquement. Mais ce dernier, en outre, a sur l’autre un avantage : il sait que cet espace qui est là au dehors est infini ; il peut même énoncer par avance, sans y être d’abord allé voir, avec une absolue exactitude, l’ensemble des rigoureuses lois qui régissent tous les rapports possibles et non encore réalisés de cet espace ; il peut apporter des affirmations également catégoriques sur le cours du temps, de même aussi