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la pensée de schopenhauer

ment à admettre qu’il n’existe qu’une seule chose en soi, la matière, dont toutes les autres choses ne sont que des modifications, puisqu’on tient ici l’ordre de la nature pour l’ordre universel unique et absolu. Afin d’échapper à ces conséquences que le règne du réalisme, tant qu’il demeura incontesté, rendait inévitables, on institua le spiritualisme, lequel consiste à admettre, en dehors et à côté de la matière, une seconde substance, une substance immatérielle. Ce dualisme spiritualiste, aussi peu conforme à l’expérience qu’aux preuves logiques, et d’ailleurs inintelligible, a été nié par Spinoza ; Kant en a démontré la fausseté, et il pouvait se le permettre, puisqu’en même temps il instaurait les droits de l’idéalisme. Si, en effet, le réalisme tombe, le matérialisme, auquel on avait imaginé d’opposer le spiritualisme, tombe aussi de lui-même, en ce sens que la matière et l’ordre de la nature deviennent désormais un pur phénomène, conditionné par l’intellect, et dont l’existence est tout entière dans la représentation de cet intellect. Ainsi, pour se sauver du matérialisme, le spiritualisme est un expédient illusoire et faux ; le vrai moyen de salut est dans l’idéalisme, qui, en faisant dépendre de nous le monde objectif, fait contre-