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la pensée de schopenhauer
De l’espace.

La preuve la plus évidente, et aussi la plus simple, de l’idéalité de l’espace, c’est le fait que nous ne pouvons pas le supprimer par la pensée, comme toutes les autres choses. Nous ne pouvons que le vider ; nous pouvons en ôter tout, absolument tout ; nous pouvons tout faire disparaître ; nous pouvons fort bien nous représenter l’intervalle entre les étoiles fixes comme absolument vide, et d’autres choses analogues. De l’espace lui-même, de l’espace seul nous ne pouvons nous débarrasser d’aucune maniére ; quoi que nous fassions, où que nous nous tournions, il est là, et n’a de fin nulle part ; car il est à la base de toutes nos représentations et leur condition première, Ceci démontre de façon absolument sûre, qu’il appartient à notre intellect lui-même, qu’il en fait partie intégrante, et cela comme la trame initiale de ce canevas, où vient se projeter, préfiguré par elle, le monde bigarré des objets. Car, dès l’instant qu’un objet doit être figuré, l’espace se présente, et il accompagne ensuite tous les mouvements, tous les détours, toutes les entreprises de l’intellect occupé à percevoir, aussi obstinément que les lunettes posées sur mon nez accompagnent tous les mouvements et