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i. de la connaissance

toutes les évolutions de ma personne, ou que l’ombre accompagne mon corps. Si je remarque qu’une chose est avec moi partout et en toutes circonstances, j’en conclus qu’elle est attachée à moi ; ainsi, par exemple, quand je retrouve partout une odeur particulière à laquelle je voudrais échapper. Il n’en va pas autrement de l’espace : quoi que je puisse penser, quelque monde que je puisse me représenter, l’espace est toujours là d’abord et ne veut pas céder. Si maintenant, comme il appert évidemment de tout cela, cet espace est une fonction, et même une fonction fondamentale, de mon intellect, son idéalité, qu’il en faut déduire, s’étend nécessairement à tous les éléments qui participent de l’espace, c’est-à-dire qui figurent en lui. Ceux-ci peuvent fort bien avoir par ailleurs et en eux-mêmes une existence objective ; mais pour autant qu’ils occupent l’espace, en d’autres termes, pour autant qu’ils ont une forme, une dimension et un mouvement, ils sont subjectivement déterminés. Même les calculs astronomiques, si exacts et si concordants, ne sont possibles que parce que l’espace est en réalité dans notre tête. Par conséquent nous ne connaissons pas les choses telles qu’elles sont en soi, mais seulement telles qu’elles apparaissent. C’est là la grande doctrine du grand Kant.