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la pensée de schopenhauer

dre subrepticement et abusivement son application à la chose prise absolument et en elle-même, à son essence et à son existence tout entière, c’est-à-dire aussi à la matière, jusqu’à se croire finalement autorisé à poser la question d’une cause du monde. C’est ici l’origine de la preuve cosmologique (de l’existence de Dieu). La démonstration qu’on en fait part en réalité de ce raisonnement, que rien ne justifie, et qui consiste à conclure de l’existence du monde à une non-existence de ce monde, laquelle aurait précédé son existence ; mais elle aboutit finalement à une terrible inconséquence, qui est de supprimer purement et simplement cette même loi de causalité, dont elle tirait toute sa force, en ce sens qu’elle s’arrête à une cause première et refuse d’aller plus loin, terminant ainsi, en quelque sorte, son œuvre par un parricide ; comme les abeilles qui tuent leurs faux-bourdons une fois que ceux-ci se sont acquittés de leur service. C’est d’ailleurs à une preuve cosmologique masquée, parce que honteuse, que se ramènent tous les bavardages sur l’Absolu, qui depuis soixante ans, à la face de la Critique de la raison pure, passent en Allemagne pour de la philosophie. Qu’est-ce en effet que cet Absolu ? Quelque chose qui est là tout à coup, une bonne fois, et dont il est interdit (sous