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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/86

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la pensée de schopenhauer

points par où celle-ci est applicable à chaque cas donné. Au contraire, contempler et percevoir, faire parler les choses elles-mêmes, saisir entre elles de nouveaux rapports, et ensuite seulement déposer et fixer ces données en des concepts pour s’en assurer la possession durable : c’est là la voie par où s’acquièrent des connaissances nouvelles. Seulement, tandis que tout le monde est à peu près capable de comparer des concepts avec des concepts, comparer le concept avec l’intuition est un don réservé à quelques élus ; c’est une faculté qui suppose, selon qu’elle est plus ou moins développée, de l’esprit, du jugement, de la pénétration, du génie ; tandis que la première, la faculté de déduction, n’engendre guère que des considérations raisonnables.

La substance intime de toute connaissance réelle et authentique est une intuition, et toute vérité nouvelle est le fruit d’une intuition. Tout travail originel de la pensée se fait par images ; c’est pourquoi l’imagination est pour l’esprit un instrument si nécessaire et pourquoi les cerveaux qui en sont dépourvus ne peuvent jamais produire quelque chose de grand, sauf peut-être en mathématiques. Au contraire, les pensées purement abstraites, vides de substance intuitive, sont comme des nuées aux formes irréelles. Le livre même, ou le discours parlé, qu’il s’agisse de