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i. de la connaissance

doctrine ou de poésie, a toujours pour fin dernière d’amener le lecteur à la même connaissance intuitive qui fut le point de départ de l’auteur ; si ce but lui fait défaut, il est par là-même sans valeur. C’est précisément pour cela que la contemplation et l’observation de tout ce qui est réel, sitôt que l’observateur y rencontre quoi que ce soit de nouveau, est plus instructive que toute parole lue ou entendue. On peut dire au fond que dans n’importe quelle réalité est contenue toute vérité et toute sagesse, et même l’ultime secret des choses. Toujours seulement in concreto, cela va sans dire, et comme l’or est contenu dans le minerai ; le tout est de savoir l’en tirer. Un livre, au contraire, dans le cas le plus favorable, nous apporte une vérité qui est seulement de seconde main, et le plus souvent ne nous en apporte aucune.

Les concepts formés par la raison et conservés par la mémoire ne peuvent jamais être présents à la conscience tous à la fois ; il n’y en a qu’un très petit nombre qui lui soient donnés en temps voulu. Au contraire, par l’énergie avec laquelle elle saisit l’actualité sensible, où, en fait, la substance essentielle de toutes choses est toujours virtuellement contenue et repré-