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i. de la connaissance

apprend plus que n’en apprennent à maint savant des milliers de faits que ce savant connaît, mais qu’à proprement parler il ne comprend pas ; car le peu de savoir de cet ignorant est vivant, en ce sens que chacun des faits connus de lui repose sur une perception juste et bien assimilée, et qu’ainsi le fait isolé lui tient lieu de mille autres analogues. Par contre, avec toute son érudition, le savant ordinaire ne possède en général qu’une chose morte, parce qu’elle n’est jamais faite que de connaissances abstraites, quand elle n’est pas faite comme il arrive souvent, de purs mots.

Dans le domaine pratique, la connaissance intuitive de l’intellect est en mesure de gouverner directement notre conduite, tandis que la connaissance abstraite de la raison n’y parvient que par l’intermédiaire de la mémoire. D’où l’avantage de la connaissance intuitive pour tous les cas qui ne nous laissent pas le temps de la réflexion, ainsi pour les relations de la vie quotidienne, où l’on s’explique par là-même que les femmes excellent. Celui-là seul qui aura acquis intuitivement la connaissance de la nature humaine, telle qu’elle est en général, et saisi de même l’individualité de la personne à qui il a momentanément affaire, saura traiter celle-ci avec sûreté