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i. de la connaissance

besoin de l’aide d’autrui, ou pour peu seulement que son activité individuelle doive s’échelonner sur des temps différents, c’est-à-dire, qu’il lui faille un plan calculé. Ainsi, un bon joueur de billard peut avoir, uniquement dans la perception immédiate de son intellect, une connaissance complète des lois du choc des corps élastiques, laquelle lui suffit parfaitement ; mais seul l’individu versé dans la science mécanique possédera un « savoir » proprement dit, c’est-à-dire la connaissance abstraite de ces lois. Cette connaissance purement intuitive de l’intellect suffira même pour construire des machines, si l’inventeur exécute sa machine à lui tout seul, comme on le voit souvent faire à des ouvriers très doués mais dépourvus de toute connaissance scientifique. Aussitôt, par contre, qu’une opération quelconque, par exemple la construction d’une machine ou d’un édifice, exige le concours de plusieurs personnes, dont le travail se répartit en des temps différents, il faut que celui qui la dirige en ait conçu le plan in abstracto, et ce n’est qu’avec le secours de la raison qu’une activité ainsi concertée devient possible. Ce qui est remarquable, c’est que dans la première sorte d’activité, celle où