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sur la connaissance a priori

après élimination de la vitesse, la masse, n’est jamais connue que d’une manière relative, c’est-à-dire par comparaison avec les autres masses, lesquelles à leur tour ne sont connaissables que par la quantité de leur mouvement, c’est-à-dire dans leur combinaison avec la vitesse. Ainsi l’on est obligé d’abord de comparer une quantité de mouvement avec une autre, puis d’après ces deux données de calculer la vitesse, si l’on veut savoir de combien chacun des deux corps est redevable à sa masse. Cela se fait en comparant le poids des masses, c’est-à-dire en comparant cette grandeur du mouvement qui, dans les deux masses, crée une force d’attraction vers la terre laquelle agit sur les deux en raison seulement de leur quantité. Aussi y a-t-il deux manières de peser en effet, ou bien on accorde aux deux masses à comparer une vitesse égale, pour voir laquelle des deux communique actuellement du mouvement à l’autre et par conséquent en possède une quantité plus grande qu’il faudra nécessairement attribuer, la vitesse étant égale de part et d’autre, à l’autre facteur de la grandeur du mouvement, c’est-à-dire à la masse (balance à fléaux égaux) ; ou bien on recherche, pour établir le poids, combien une masse devra recevoir de vitesse en plus de celle qu’a une autre pour en égaler la grandeur du mouvement, et en conséquence pour ne plus en recevoir une communication de mouvement. En effet, l’accroissement qu’il faut donner à sa vitesse indique dans quelle mesure sa masse, c’est-à-dire sa quantité de matière, est moindre (balance romaine). Cette estimation des masses par le poids repose sur cette circonstance heureuse que la force motrice elle-même agit d’une manière absolument identique sur les deux, et que chacune des deux est en état de communiquer immédiatement à l’autre l’excès de sa grandeur de mouvement, excès qui s’accuse par cette communication même.

La substance de ces théories a été exprimée depuis longtemps par Newton et Kant ; mais grâce à l’ordre et à la clarté de cette exposition, je crois leur avoir conféré un plus grand caractère de netteté, et avoir rendu ainsi accessible à tout le monde l’intelligence de principes que j’ai estimés nécessaires à la justification de la proposition 18.