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théorie de la représentation intuitive

travail qu’un marteau de trois livres avec une vitesse = 12 ; en effet dans l’un et l’autre cas la quantité du mouvement = 36. Étant données deux billes qui roulent avec une égale vitesse, celle qui a la plus grande masse devra par son choc pousser plus loin une troisième bille en état de repos ; celle au contraire qui a la plus petite masse devra la pousser moins loin ; c’est qu’en effet la masse de la première, multipliée par la vitesse commune aux deux billes, donne une quantité de mouvement plus grande. Le canon porte plus loin que le fusil, parce qu’à vitesse égale il opère sur une masse beaucoup plus considérable, il donne une quantité de mouvement beaucoup plus grande, laquelle résiste beaucoup plus longtemps à l’action opposée de la pesanteur. C’est pour la même raison que le même bras jettera plus loin une bille de plomb qu’une bille de bois de même grosseur, et une grosse pierre plus loin qu’une petite. Toujours pour la même raison, la portée de la mitraille n’est pas aussi longue que celle du boulet.

C’est la même loi qui sert de fondement à la théorie du levier et de la balance ; car là aussi la plus petite masse, située sur le plus long bras du levier ou du fléau, animée d’une vitesse plus grande et qui la multiplie, peut produire une quantité de mouvement égale ou supérieure à celle que produit la plus grande masse. Toutefois dans l’état de repos occasionné par l’équilibre, cette vitesse est purement intentionnelle ou virtuelle ; elle est donnée en puissance et non point en acte ; malgré tout elle agit, étant en puissance, comme si elle était en acte, et c’est ce qui est fort remarquable.

Une fois ces vérités rappelées à l’esprit du lecteur, l’explication suivante sera plus facilement comprise. La quantité d’une matière donnée ne peut jamais être évaluée que par sa force, et celle-ci ne peut être connue que par son effet. Si l’on ne considère la matière qu’au point de vue de sa quantité et non au point de sa qualité, cet effet peut être purement mécanique, c’est-à-dire ne consister que dans le mouvement communiqué au reste de la matière. En effet, c’est en premier lieu dans le mouvement que la force de la matière devient pour ainsi dire vivante c’est de là que vient le nom de force vive pour les effets dynamiques de la matière en mouvement. Aussi pour évaluer la quantité de matière donnée, l’unique mesure, c’est la grandeur de son mouvement. Toutefois la grandeur du mouvement, lorsqu’elle est donnée, ne nous donne point directement la quantité de matière celle-ci se trouve encore combinée avec la vitesse, qui est l’autre facteur de la quantité de mouvement or ce dernier facteur doit être éliminé, si l’on veut connaître la quantité de matière, la masse. Du reste, la vitesse nous est directement connue, car elle est égale à 8/4. Seul l’autre facteur, celui qui reste