Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/435

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détourner et s’abstenir de tout ce qui ne doit lui procurer de la joie qu’à lui seul et cette joie même que pour un temps. » — Enfin, nous lisons encore à la page 288 : « Nous sommes d’accord avec l’abbé Zaccaria, qui veut faire dériver avant tout le célibat (non la loi de célibat) des enseignements du Christ et de l’apôtre Paul. »

Ce qu’on oppose à ce principe fondamental du vrai christianisme, ce n’est partout et toujours que l’Ancien Testament avec son παντα καλα λιαν. C’est ce qui ressort clairement surtout de ce troisième livre si important des Stromates de saint Clément, où, dans une polémique contre les hérétiques encratistes cités plus haut, il ne leur objecte toujours que le judaïsme et son histoire optimiste de la création, si vivement contredite par la tendance de renoncement au monde qui est celle du Nouveau Testament. Mais l’union du Nouveau Testament et de l’Ancien n’est au fond qu’extérieure, accidentelle, forcée même : le seul point d’attache pour la doctrine chrétienne était, dans l’Ancien Testament, l’histoire de la chute par le péché, qui s’y trouve d’ailleurs isolée et n’est pas utilisée par la suite. Selon le récit des Évangiles, ce sont justement les partisans orthodoxes de l’Ancien Testament qui ont crucifié le fondateur de l’Église, pour le punir d’avoir énoncé des doctrines contraires aux leurs. Dans ce troisième livre des Stromates de saint Clément ressort avec une netteté surprenante l’antagonisme entre l’optimisme théiste, d’une part, et le pessimisme de la morale ascétique de l’autre. Il est dirigé contre les gnostiques qui enseignaient le pessimisme et l’ascétisme, notamment l’εγκρατεια, abstinence de toute sorte et surtout de toute satisfaction sexuelle, ce dont Clément les blâme vivement. On y entr’aperçoit aussi en même temps qu’il y a antagonisme entre l’esprit de l’Ancien Testament et celui du Nouveau. Car, abstraction faite du péché originel, véritable hors-d’œuvre dans l’Ancien Testament, l’esprit de l’Ancien Testament est diamétralement opposé à celui du Nouveau : celui-là optimiste, celui-ci pessimiste. Cette contradiction, Clément la relève à la fin du XIe chapitre (προσαποτεινομενον τον Παυλον τω Κριστη τ. κ. λ.), tout en ne voulant pas en reconnaître la valeur et en la déclarant apparente, en bon juif qu’il est. D’une façon générale, il est intéressant de voir comment partout chez Clément le Nouveau et l’Ancien Testament se traversent l’un l’autre, comment il s’efforce de les concilier et finit cependant presque toujours par exclure le Nouveau au profit de l’Ancien. Dès le début du iiie chapitre, il reproche aux marcionites d’avoir, à l’exemple de Platon et de Pythagore, trouvé la création mauvaise, et enseigné avec Marcion que la nature est mauvaise, faite de mauvaise substance (φυσις κακη, εκ τε υλης κακης), et qu’alors, loin de peupler le monde, il faut s’abstenir du mariage