simples problèmes de la philosophie résonnent aussi peu qu’une cloche dans un récipient vide d’air. Oui, des cerveaux, on peut l’affirmer, que la nature n’avait destinés, comme les autres, qu’à exercer tranquillement un honorable métier, à cultiver les champs, à se préoccuper de la propagation de l’espèce humaine, et qui en sont venus à s’imaginer que leurs fonctions leur font un devoir d’être « des fous agitant leur marotte » ! Leur perpétuelle intervention ressemble à celle des sourds qui se mêlent à une conversation ; elle n’opère donc que comme un bruit troublant et déconcertant sur les individus, très rares de tout temps, que la nature a destinés à se livrer à la recherche des vérités les plus hautes, et qui y sont en conséquence véritablement poussés — à la condition toutefois que ce bruit n’étouffe pas à dessein leur ~oix, comme c’est souvent le cas, parce que ce • qu’ils apportent ne fait pas l’affaire de ces genslà, qui n’ont à cœur que les intentions et les fins matérielles, et qui, grâce à leur nombre considérable, poussent bientôt des cris qui empêchent les autres de s’entendre eux-mêmes. De nos jours, ils se sont imposé la tâche d’enseigner, pour narguer la philosophie kantienne aussi bien que la vérité, la théologie spéculative, la psychologie rationnelle, la liberté de la volonté, la différence complète et absolue entre l’homme et les animaux, par suite de leur ignorance des dégradations successives de l’intellect dans la série animale ; ils n’agissent donc que comme remora (obstacle) de la sincère recherche de la vérité. Qu’un homme comme moi vienne à parler, et ils font semblant de ne pas entendre. Le truc est bon, quoique pas neuf. Je veux pourtant voir une bonne fois si l’on ne peut pas forcer un blaireau hors de son trou.
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