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Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/92

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existé. Car Kant est peut-etre la tete la plus origi-nale que la nature ait produite. Penser avec lui et a sa façon, cela ne peut se comparer a aucune autre chose ; il s’était élevé a un degré tout parti-culier de réflexion lucide, qui n’a jamais été départi a ce point a un autre mortel. On parvient a en jouir avec lui, au moyen d’une initiation dans l’étude appliquée et sérieuse de ses œuvres. Alors, on arrive, en lisant les chapitres les plus profonds de la Critique de la raison pure, et en s’abandonnant tout entier au sujet, a penser réel-lement avec le cerveau de Kant, résultat par lequel on s’éleve infiniment au-dessus de soi-meme. C’est ce qui se produit, par exemple, si l’on relit les Principes de l’intelligence pure, si l’on considere surtout les Analogies de l’expé-rience, et si l’on pénetre dans les profondes idées de l’Unité synthétique de l’aperception. Nous nous sentons alors enlevés d’une façon mer-veilleuse a toute l’existence de reve dans laquelle nous sommes plongés ; car nous rece-vons en main chaque élément primitif isolé de celle-ci, et nous voyons comment le temps, l’espace et la causalité, rattachés par l’unité syn-thétique a l’aperception de tous les phénomenes, rendent possibles cet assemblage expérimental de l’ensemble et la marche de celui-ci ; c’est en lui qu’existe notre monde si fortement conditionné par l’intellect, et qui, pour cette raison, est un pur phénomène. L’unité synthétique de l’aperception est cet ensemble du monde comme un tout, qui repose sur les lois de notre intellect, et, par conséquent, est absolu. En l’exposant, Kant démontre les lois fondamentales primitives du monde, là où elles ne font qu’un avec celles de notre intellect, et nous les présente alignées sur un seul fil. On peut envisager cette manière de voir, qui n’appartient en propre qu’à Kant,