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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/157

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ἄλλο γένος, c’est-à-dire un transport des formes du phénomène à la chose en soi. Mais d’une indestructibilité qui ne serait pas une continuation, nous pouvons nous former à peine une idée abstraite, parce que toute perception nous manque pour la confirmer.

En réalité, la naissance constante de nouveaux êtres et l’anéantissement constant des êtres existants doivent être regardés comme une illusion produite par un appareil de deux verres polis (fonctions du cerveau), par lesquels seuls nous pouvons voir quelque chose. Ils se nomment espace et temps, et, dans leur pénétration réciproque, causalité[1]. Car tout ce que nous percevons dans ces conditions est un simple phénomène ; mais nous ne connaissons pas les choses telles qu’elles peuvent être en elles-mêmes, c’est-à-dire indépendantes de notre perception. Ceci est proprement le noyau de la philosophie kantienne, qu’on ne peut trop souvent rappeler, après une période où la charlatanerie vénale a, par son système d’abrutissement, chassé la philosophie de l’Allemagne, avec l’aide empressée de gens pour lesquels la vérité et l’intelligence sont les choses les plus indifférentes du monde, et les appointements ou les honoraires les choses les plus importantes.

Comment peut-on supposer, en voyant mourir un être humain, qu’en ce cas une chose en soi-même soit réduite à rien ? Que plutôt un simple phénomène dans le temps, cette forme de tous les phénomènes, trouve

  1. Cette existence qui ne participe pas à la mort de l’individu, n’a pour forme ni temps ni espace. Mais tout ce qui est réel pour nous, apparaît dans ceux-ci : c’est par là que la mort nous paraît être l’anéantissement.