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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/159

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subjective. La moitié objective seule a pour forme la perception du temps, et ne cesse donc de rouler en avant. La moitié subjective reste immobile, et par conséquent la même. De là naissent notre vivant souvenir du lointain passé et la conscience de notre immortalité, en dépit de la constatation de la rapidité de notre existence.

Chacun doit penser que son essence la plus intime est quelque chose qui renferme le présent et le porte avec lui.

À quelque moment qu’il puisse nous arriver de vivre, nous nous tenons toujours avec notre conscience au centre du temps, jamais à ses extrémités ; et nous pourrions en conclure que chacun porte en soi-même le centre immuable du temps infini. C’est aussi ce qui nous donne au fond la confiance avec laquelle nous vivons exempts de l’effroi perpétuel de la mort. Mais celui qui, grâce à la puissance de ses souvenirs et de son imagination, est en état de se représenter le plus vivement le long passé de sa propre vie, sera plus clairement conscient que les autres de l’identité du temps présent en tout temps. Peut-être même cette proposition est-elle plus exacte au rebours. En tout cas, cette conscience plus claire de l’identité de tout temps présent est une obligation essentielle de la vocation philosophique. Par son moyen on conçoit ce qui est le plus fugitif, — le « maintenant », — comme la seule chose durable. Celui qui se rend compte, par cette voie intuitive, que le présent, qui est la forme unique de toute réalité au sens le plus étroit, a sa source en nous, et découle par conséquent du dedans et non du dehors, celui-là ne peut pas douter de l’indestructibilité de son