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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/160

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propre être. Il comprendra plutôt que par sa mort le monde objectif, avec le médium de sa représentation, l’intellect, périt pour lui, mais que cela n’atteint pas son existence, car il y avait autant de réalité dedans que dehors. Il dira en pleine compréhension : ἐγώ εἰμι πᾶν τὸ γεγονὸς, καὶ ὂν καὶ ἐσόμενον (je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera). (Stobée, Florilegium, titre XLIV, 42.)

Celui qui n’admet pas tout cela, doit soutenir le contraire, et dire : « Le temps est quelque chose de purement objectif et réel, qui existe tout à fait indépendamment de moi. J’y ai été jeté seulement par hasard, ai participé à une petite portion de lui, et par celle-ci j’ai atteint à une réalité passagère, comme des milliers d’autres avant moi, qui maintenant ne sont plus ; et moi bientôt aussi je ne serai rien. Le temps, au contraire, est la chose réelle. Il continuera à marcher sans moi. » Je crois que la fausseté fondamentale et même l’absurdité de cette manière de voir se révèlent à la netteté de l’expression.

Il résulte de tout cela que la vie peut être regardée comme un rêve, et la mort comme un réveil. Mais alors la personnalité, l’individu, appartient à la conscience qui rêve et non à celle qui est éveillée, raison pour laquelle la mort se présente au premier comme un anéantissement. En tout cas il ne faut pas, de ce point de vue, la regarder comme la transition à un état entièrement nouveau et étranger pour nous, mais plutôt comme le retour à notre état primitif, dont la vie n’a été qu’un court épisode.

Si, en attendant, un philosophe allait s’imaginer qu’il trouverait dans la mort une consolation propre à