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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/172

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elle être exclue d’une individualité, et réside-t-elle en chacune et en toutes. Dans le premier sens donc, tu es réduit par ta mort à rien ; dans le second, tu es et restes tout. Voilà pourquoi j’ai dit qu’après ta mort tu serais tout et rien. Ta question admet difficilement une réponse plus exacte que celle-ci dans sa brièveté, qui contient d’ailleurs une contradiction : car ta vie est dans le temps, et ton immortalité dans l’éternité. Cette dernière peut donc être nommée aussi une indestructibilité sans continuation, ce qui renferme de nouveau une contradiction. Mais il en est ainsi, quand le transcendant doit être porté dans la connaissance immanente. Celle-ci subit une espèce de violence, puisqu’on l’applique à ce qui n’est pas fait pour elle.

Thrasymaque. — Écoute. Sans la continuation de mon individualité, je ne donnerais pas un centime pour toute ton immortalité.

Philalèthe. — Peut-être pouvons-nous nous entendre. Admets que je te garantisse la continuation de ton individualité, mais à la condition qu’un sommeil de mort absolument inconscient de trois mois précède le réveil de celle-ci.

Thrasymaque. — Cela irait.

Philalèthe. — Or, puisque, dans un état absolument inconscient, nous n’avons aucune mesure de temps, cela revient absolument au même pour nous si, pendant ce sommeil de mort, trois mois ou dix mille ans se sont écoulés dans le monde de la conscience. Car nous devons, en nous éveillant, accepter l’un et l’autre de confiance. Il peut donc t’être indifférent si ton individualité t’est rendue après trois mois ou après dix mille ans.