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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/184

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d’un pas libre et même orgueilleux, tandis que le coït se dissimule en rampant, comme un criminel.

Quelques pères de l’Église ont enseigné que même la cohabitation conjugale n’est permise qu’en vue de la procréation des enfants : ἐπὶ μόνῃ παιδοποιίᾳ, comme dit Clément d’Alexandrie dans ses Stromates, livre III, chap. xi. (On trouvera les passages se référant à ce sujet dans P. E. Lind, De cælibatu Christianorum, chap. i.) Clément attribue aussi cette manière de voir aux pythagoriciens (Stromates, même livre, chap. iii).

Cependant, en réalité, elle est fausse. Car si le coït n’est plus recherché pour lui-même, la négation de la volonté de vivre est déjà apparue, et la propagation de la race humaine est alors superflue et dépourvue de sens, vu que le but est déjà atteint. En outre, jeter un être dans le monde uniquement pour qu’il y soit, sans passion subjective, sans désirs ni besoin physique, de propos délibéré et de sang-froid, ce serait là une action morale très discutable, que peu de gens voudraient prendre sur eux. On pourrait même dire d’elle qu’elle est à la génération par pur instinct sexuel ce qu’est un meurtre froidement prémédité à un coup mortel donné dans un accès de colère.

La condamnation de tous les plaisirs sexuels contre nature est basée sur la raison opposée. C’est que, si par eux l’instinct est satisfait, c’est-à-dire la volonté de vivre affirmée, la propagation qui seule maintient la possibilité de la négation de la volonté, est éliminée. Ainsi s’explique que la pédérastie n’ait été regardée comme un gros péché que depuis l’avènement du christianisme, dont la tendance est ascétique.