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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/185

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Un couvent est un assemblage d’êtres humains qui ont fait vœu de pauvreté, de chasteté, d’obéissance (c’est-à-dire de renonciation à la volonté individuelle), et qui cherchent, par la vie en commun, à alléger en partie l’existence elle-même, mais plus encore cet état de sévère renonciation. En effet, la vue de gens professant les mêmes idées et les mêmes sentiments de renonciation fortifie leur résolution et les console, outre que les rapports de la vie en commun dans certaines limites répondent aux besoins de la nature humaine, et apportent une récréation innocente au milieu de lourds sacrifices. Telle est la conception normale des couvents. Et qui peut qualifier une telle société d’union de fous et d’imbéciles, comme on doit pourtant le faire en vertu de toute philosophie, excepté de la mienne ?

Voici l’esprit et le sens intime de la vraie vie de couvent, comme de l’ascétisme en général : on s’est reconnu digne et capable d’une meilleure existence que la nôtre, et l’on veut fortifier et maintenir cette conviction en méprisant ce que ce monde offre, en rejetant tous ses plaisirs comme sans valeur, et en attendant avec calme et confiance la fin de cette vie dépouillée de ses vains appâts, pour saluer un jour l’heure de la mort comme celle de l’affranchissement. Le saniassite a absolument la même tendance et la même signification, et il en est de même du monachisme des bouddhistes. Sans doute, c’est surtout dans le monachisme que la théorie répond le moins à la pratique. Cela provient précisément de ce que son idée fondamentale est très haute, et que abusus optimi pessimus. Un vrai moine est un être excessivement honorable. Malheureusement, dans la plupart des cas, le froc est un simple déguise-