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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/186

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ment derrière lequel il n’y a pas plus de moine véritable que dans le déguisement d’une mascarade.

L’idée qu’on se soumet et s’abandonne complètement et sans restriction à une volonté individuelle étrangère, est un moyen physique de faciliter la négation de sa propre volonté, et en conséquence un véhicule allégorique convenable de la vérité.

Le nombre des trappistes réguliers est petit ; ce qui n’empêche pas que la moitié à peu près de l’humanité se compose de trappistes involontaires. Pauvreté, obéissance, manque de tous les plaisirs et même du confort le plus indispensable, souvent aussi chasteté forcée ou amenée par les privations, tel est leur lot. La seule différence, c’est que les trappistes pratiquent la chose par libre choix, méthodiquement et sans espoir d’amélioration, tandis que l’autre classe doit être comptée parmi ce que, dans mes chapitres sur l’ascétisme, j’ai désigné par l’expression δεύτερος πλοῦς (seconde expédition). Pour la créer, la nature a déjà pris suffisamment ses mesures grâce au principe fondamental de son ordre, surtout si l’on ajoute aux maux qui naissent directement d’elle ceux que la discorde et la méchanceté des hommes produisent en guerre et en paix. Cette nécessité des souffrances involontaires pour le salut éternel est précisément exprimée dans ce mot du Sauveur (Matthieu, XIX, v. xxiv) : εὐκοπώτερόν ἐστι κάμηλον διὰ τρυπήματος ῥαφίδος διελθεῖν, ἢ πλούσιον εἰς τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ εἰσελθεῖν. (Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume de Dieu.) Voilà pourquoi ceux qui ont