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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/69

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indépendamment du christianisme ; mais elle était, pour les habitants de l’Europe, une nouvelle et grande révélation. On sait que la population de l’Europe est formée de tribus asiatiques refoulées hors de leur lieu d’origine, et qui, au cours de leur longue immigration, ont perdu leur religion primitive, et, avec elle, la juste conception de la vie. Elles se créèrent, dans un nouveau climat, des religions à elles, passablement grossières, telles que le druidisme, le culte d’Odin et la religion grecque, dont le contenu métaphysique est mince et même assez sec. En attendant, on vit se développer chez les Grecs un sens délicat et juste de la beauté, un sens tout à fait spécial, on devrait dire instinctif, qu’eux seuls, entre tous les peuples de la terre, ont jamais possédé ; aussi leur mythologie prit-elle, dans la bouche de leurs poètes et sous la main de leurs sculpteurs, une forme absolument belle et agréable. D’autre part, la vraie et profonde signification de la vie n’existait pas pour les Grecs et les Romains. Ils vivaient en grands enfants, jusqu’à ce que le christianisme apparût et les rappelât au sérieux de l’existence.

Philalèthe. — Et, pour juger du résultat, nous n’avons qu’à comparer l’antiquité avec le moyen âge qui l’a suivie, le siècle de Périclès, par exemple, avec le xive siècle. On a peine à croire qu’on se trouve en présence d’êtres de même espèce. Là, le plus bel épanouissement de l’humanité, des institutions politiques excellentes, des lois sages, des magistratures habilement distribuées, une liberté raisonnablement réglée, tous les arts, y compris la poésie et la philosophie, à leur apogée, créant des œuvres qui, après des