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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/70

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milliers d’années, demeurent des modèles incomparables, presque des créations d’êtres supérieurs que nous ne pouvons égaler ; et l’existence embellie par la plus noble sociabilité, telle que nous la dépeint le Banquet de Xénophon. Et maintenant regarde ici, si tu le peux. Vois le temps où l’Église enchaînait les esprits, où la violence enchaînait les corps, pour que chevaliers et prêtres pussent imposer tout le fardeau de la vie à leur commune bête de somme, le troisième État. Ici tu trouves le droit du plus fort, le féodalisme et le fanatisme en étroite alliance, et, leur faisant cortège, une ignorance et un obscurantisme affreux, une intolérance en rapport avec ceux-ci, des querelles religieuses, des guerres de religion, les croisades, la persécution des hérétiques et l’Inquisition ; comme forme de sociabilité, la chevalerie, à la fois grossière et niaise, avec ses grimaces et ses mômeries pédantesques et réduites en système, avec sa superstition dégradante et sa vénération simiesque pour les femmes. Il subsiste des traces de celle-ci dans la galanterie, que l’arrogance féminine nous fait payer comme nous le méritons. Tous les Asiatiques ne cessent d’en rire, et les Grecs se seraient associés à leur hilarité. Au délicieux moyen âge, la chose alla jusqu’à un culte formel et méthodique des femmes, avec exploits imposés, « cours d’amour », chants ampoulés de troubadours, etc. Remarquons toutefois que ces dernières absurdités, qui ont un côté intellectuel, furent avant tout propres à la France. Chez les Allemands matériels et lourds, les chevaliers s’exerçaient plutôt à boire et à piller ; ils préféraient les hanaps et les donjons ; ce qui ne veut pas dire que les cours n’entretinssent aussi