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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/72

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et la religion des anciens avec celles du christianisme.

Philalèthe. — Très juste en théorie ; mais vois la pratique. Les anciens étaient, par rapport aux chrétiens qui les suivirent, moins cruels que les gens du moyen âge, avec leurs tortures à mort raffinées et leurs bûchers innombrables ; ils étaient de plus très patients, faisaient grand cas de la justice, se sacrifiaient fréquemment pour leur patrie, révélaient des traits de magnanimité de tout genre et une humanité si réelle, que, jusqu’à nos jours, l’étude de leurs actions et de leurs pensées se nomme « les humanités ». Les fruits du christianisme, par contre, ce sont les guerres de religion, les boucheries, les croisades, l’Inquisition et autres persécutions, l’extermination des aborigènes de l’Amérique et l’introduction, à leur place, d’esclaves africains. Or, on ne peut rien trouver chez les anciens d’analogue à ces faits ou qui leur fasse contrepoids. Les esclaves antiques, la familia, les vernæ, classe satisfaite et dévouée au maître, diffèrent autant par la situation que par la couleur des malheureux nègres des plantations de cannes à sucre, qui sont une honte pour l’humanité. La tolérance blâmable de la pédérastie, que l’on reproche surtout à la morale des anciens, est, comparée aux horreurs chrétiennes que j’ai énumérées, une bagatelle ; ce vice est d’ailleurs, chez les modernes, infiniment moins rare que l’apparence ne semble le faire croire. Peux-tu donc, tout bien pesé, affirmer que le christianisme a rendu l’humanité véritablement meilleure ?

Démophèle. — Si le résultat n’a pas partout répondu à la pureté et à la vérité de la doctrine, cela peut venir