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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/74

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gné dans les écrits des anciens, tout cela fut préservé de la ruine uniquement par le clergé, surtout dans les couvents. Que serait-il advenu à la suite de la migration des peuples, si le christianisme n’avait pas fait son apparition un peu auparavant !

Philalèthe. — Ce serait réellement une enquête des plus utiles, si l’on tentait une fois, d’une manière impartiale et scrupuleuse, sans aucun parti pris, d’établir un parallèle entre les avantages et les désavantages qui naissent des religions. Il faudrait pour cela, il est vrai, une bien plus grande masse de faits historiques et psychologiques que nous n’en possédons à nous deux. Les Académies pourraient mettre ce sujet au concours.

Démophèle. — Elles s’en garderont bien.

Philalèthe. — Je m’étonne de t’entendre parler ainsi : c’est un mauvais signe pour les religions. Il y a, du reste, des Académies qui mettent pour condition sous-entendue à l’obtention de leurs prix, qu’on abondera avant tout dans leur sens. Je voudrais seulement qu’un statisticien put nous dire combien les motifs religieux empêchent chaque année de crimes, et combien les autres motifs. Les motifs religieux en empêcheront très peu. Quand, en effet, une personne se sent tentée de commettre un crime, la première considération qui se présente à sa pensée est sûrement le châtiment appliqué à ce crime, et la probabilité de le subir ; puis vient la seconde, le risque de sa réputation. Si je ne me trompe, elle s’arrêtera longuement devant ces deux obstacles, avant de songer même aux raisons religieuses. Vient-elle à faire bon marché de ces deux premières sauvegardes contre le crime, je ne crois pas