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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/76

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sages, etc. Et combien ces faits sont-ils plus fréquents chez le peuple ! Tu ne peux t’imaginer quelle est l’étroitesse des esprits non cultivés. C’est une obscurité complète, surtout quand, comme cela arrive trop souvent, un cœur injuste et méchant se trouve au fond. De pareils êtres, qui forment la masse de l’humanité, doivent être dirigés et domptés comme on peut, fût-ce par des raisons réellement superstitieuses, en attendant qu’ils deviennent accessibles à de meilleures. Une preuve de l’action directe de la religion, c’est qu’il arrive souvent, par exemple, notamment en Italie, qu’un voleur fasse restituer par son confesseur le bien volé, parce que cette condition est mise à son absolution. Songe aussi au serment, où la religion exerce l’influence la plus décisive. Est-ce parce que l’homme s’y voit expressément placé dans la position d’un être purement moral et solennellement pris à témoin comme tel[1] ? Ou est-ce parce qu’il croit réellement exprimer quelque chose de nature à mettre en péril sa félicité éternelle, croyance qui n’est alors que le revêtement du sentiment indiqué ? En tout cas, les idées religieuses sont le moyen d’éveiller et de faire surgir sa nature morale. Combien de fois n’arrive-t-il pas qu’un homme se propose de faire un faux serment, puis, au moment définitif, se refuse soudain à le prêter ? La vérité et la justice remportent alors la victoire.

Philalèthe. — Et il arrive plus fréquemment encore qu’on prête de faux serments, foulant ainsi aux pieds

  1. C’est ainsi qu’on semble le concevoir en France, où la formule du serment est simplement : « Je le jure », et l’admettre de la part des quakers, dont on accepte le « oui » ou le « non » solennel à la place du serment.