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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/78

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hommes trouve beaucoup plus facile de mendier le ciel par des prières que de le mériter par leurs actes. Chaque religion en arrive bien vite à proclamer que la foi, les cérémonies du culte et les rites de toute sorte sont plus agréables à la divinité que les actions morales ; et, surtout quand ceux-là sont inséparables des émoluments du clergé, ils en viennent peu à peu à être considérés comme des succédanés de celles-ci. Sacrifices d’animaux dans le temple, célébrations de messes, érection de chapelles ou de croix sur les routes, tout cela devient bientôt les œuvres les plus méritoires ; et l’on peut expier ainsi de grands crimes, de même que par la pénitence, la soumission à l’autorité ecclésiastique, la confession, les pèlerinages, des donations aux églises et à leurs desservants, la construction de monastères, etc. Tout ceci finit par faire apparaître les prêtres à peu près uniquement comme des intermédiaires qui trafiquent avec des dieux corruptibles. Et si les choses ne vont pas si loin, où est la religion dont les adhérents ne regardent au moins les prières, les cantiques et les exercices de dévotion, comme une compensation partielle à la conduite morale ? Tourne, par exemple, les yeux vers l’Angleterre, où un clergé impudemment rusé identifie mensongèrement, même par le nom, le dimanche chrétien avec le sabbat juif ; or, celui-là a été établi par Constantin le Grand en opposition à celui-ci, pour que les commandements de Jéhovah au sujet du sabbat[1] pussent s’appliquer au dimanche chrétien, le dies solis, le premier jour par lequel s’ouvre

  1. C’est-à-dire le jour où le Tout-Puissant, fatigué d’un labeur de six jours, dut se reposer, ce qui fait essentiellement de ce jour le dernier de la semaine.