bruits, les tire du lointain. C’est la mort
arrivant doucement, mais une mort gracieuse,
sans cauchemar, point effrayante,
une mort paisible comme celle qui prend les
vieillards ne regrettant rien de la vie, qui
leur promet le ciel et ses félicités. N’est-elle
pas Satan, ne défie-t-elle pas le Seigneur
cette morphine qui arrête les souffrances
avec lesquelles Dieu prétend nous dompter,
qui éloigne les remords, les chagrins, qui
sèche les larmes de l’amour blessé ? La Morphine
est le Maître, la Douleur l’Apprenti.
La Morphine surveille jalousement son
amant, elle l’empêche de sortir, le rend
lourd, paresseux, inapte au travail, elle le
fatigue. Pas plus que l’éthéromane le morphinomane
ne saurait être dangereux : il
chérit trop son foyer, il désire trop la paix !
Doit-on donc tant condamner cette pauvre Morphine, mère du Calme, du Sommeil et de l’Oubli ? Que l’État agirait sagement en interdisant plutôt l’absinthe dont le Fisc encourage la vente ! L’absinthe, le poison du pauvre, la cause des crimes ! Sans doute, elle féconde le cerveau, y multiplie les idées, les pousse sous la plume, excite celle-ci ; mais elle soulève aussi la haine, la vengeance, elle déclare la guerre, elle sonne la bataille ! Et, pourtant, l’heure verte, l’heure de