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l’absinthe… L’heure des illusions… L’heure guettée par l’ouvrier, le bureaucrate, l’heure de la revanche, l’heure de gaieté, de liberté, loin de l’atelier, loin de la femme grognon, des mioches bruyants… Le bohème devient riche, le travailleur patron, les châteaux en Espagne s’élèvent par enchantement !

… L’on ne se figure pas à quelles ruses se livre le morphinomane pour se procurer sa chère drogue ! Il sait que les pharmaciens voisins des gares, habitués à des clients pressés, examinent mal les ordonnances ; c’est à ceux-là qu’il s’adresse de préférence ; car, il se sert d’ordonnances truquées. Au besoin il fait confectionner du papier à entête. Ou bien il se lève à deux heures du matin pour aller réveiller un pharmacien, sachant qu’à cette heure, encore endormi, il exécutera n’importe quelle ordonnance pour se recoucher plus vite.

Le morphinomane est un être perdu. Exposé à mourir des suites d’un abcès déterminé par une piqûre sale, d’une crise de tétanos ou d’urémie, ou tout simplement d’empoisonnement, que peut-il espérer ? oublier, c’est-à-dire qu’il est obligé de forcer chaque jour la dose. Et comme sa solution est saturée depuis longtemps c’est le nombre de piqûres qu’il doit forcer.