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Les Portes de l’opium


O just, subtle and mighty opium !…        

THOMAS DE QUINCEY.    


Je fus toujours l’ennemi d’une vie réglée comme celle de tous les autres. La monotonie persistante des actions répétées et habituelles m’exaspérait. Mon père m’ayant laissé la disposition d’une énorme fortune, je n’eus point le désir de vivre en élégant. Les hôtels somptueux ni les attelages de luxe ne m’attiraient ; non plus les chasses forcenées ou la vie indolente des villes d’eaux ; le jeu ne présentait que deux alternatives à mon esprit agité : c’était trop peu. Nous étions arrivés dans un temps extraordinaire où les romanciers nous avaient montré toutes les faces de la vie humaine et tous les dessous des pensées. On était lassé de bien des sentiments avant de les avoir éprouvés ; plusieurs se laissaient attirer vers un