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Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/150

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de papier rouge entre les feuillets duquel brillaient des plaques d’or mince. Il retira ses doigts de ma bouche et dit : « Crachez, monsieur, voici la cuvette. »

Je crachai sur sa scélératesse.

Après, il me renversa de nouveau la tête sur son dossier mécanique, et reprit : « Ouvrez la bouche, monsieur. Très bien. Je vais procéder à l’aurificatien de la dent cariée. Nous ne plombons presque plus, monsieur. Nous nous servons de feuilles d’or. Nouvelle invention anglaise, monsieur. Très commode. (Il pétrissait une boulette d’or en parlant.) Je vais maintenant insensibiliser le nerf malade. Avec de la créosote. Très simple, monsieur. »

L’infernal Winnicox m’appliqua son mélange noir, et il me sembla qu’une machine à coudre Wheeler and Wilson fonctionnait dans mes gencives. Je voulus dire que je n’étais pas insensibilisé, que je sentais un mal épouvantable, que je lui défendais de continuer — mais cet être sanguinaire m’enfonça son poing dans la bouche et bourra sa préparation dans ma dent. Il saisit ensuite un instrument d’acier en forme de massue dont la vue me fit frissonner.

« Excellent instrument, dit-il. Invention d’un docteur allemand. C’est un maillet automatique. Tenez, monsieur, je vais le déclencher sur le bras du fauteuil. Voyez-vous, le coup est très sec. On aurifie admirablement avec cela. Ouvrez bien la bouche, monsieur. »

Au premier coup de la machine infernale, les larmes me montèrent aux yeux. Je sentis que je