Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/210

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des grilles du bâtiment national, sous le porche sombre du vieil hôtel, j’eus un instant de découragement. Il nous est resté si peu de « criminel » du quinzième… Trouverais-je mes gens dans le Registre du Châtelet ? Peut-être avaient-ils fait appel au Parlement… peut-être ne rencontrerais-je qu’une sinistre note au papier rouge. Je n’avais jamais consulté le Papier-Rouge, et je décidai d’épuiser le reste avant d’en venir là.

La salle des Archives est petite ; les hautes fenêtres ont de minuscules carreaux anciens ; les gens qui écrivent sont courbés sur leurs liasses comme des ouvriers de précision ; au fond, sur un pupitre en estrade, le conservateur surveille et travaille. L’atmosphère est grise, malgré la lumière, à cause du reflet des vieux murs. Le silence est profond ; aucun bruit ne monte de la rue : rien que le froissement du parchemin qui glisse sous le pouce et la plume qui crie. Lorsque je tournai la première feuille du registre pour 1437, je crus que j’étais devenu, moi aussi, clerc criminel de monseigneur le prévôt. Les procès étaient signés : AL. CACHEMARÉE. L’écriture de ce clerc était belle, droite, ferme ; je me figurai un homme énergique, d’aspect imposant afin de recevoir les dernières confessions avant le supplice.

Mais je cherchai vainement l’affaire des Bohémiens et de leur chef. Il n’y avait qu’un procès de sorcellerie et de vol dressé contre « une qui a nom princesse du Caire. » Le corps de l’instruction montrait qu’il