Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/221

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entré dans la ville quatre ou six hommes que l’on ne pouvait reconnaître, car ils changeaient tous les jours d’habillement. Une fois ils étaient vêtus en marchands, une autre en aventuriers, puis en paysans ; parfois ils avaient des cheveux sur la tête, et parfois ils n’en avaient pas. Et toutes gens dirent qu’ils guetteraient curieusement ces hommes, étant certain qu’ils n’étaient autres que les boute-feux, venus à grand mal et danger. Mais quelque diligence qu’on eût, au soleil levant plusieurs maisons furent trouvées marquées de grandes croix de Saint-André noires, qui avaient été faites, la nuit, par des gens inconnus.

Toute la ville était perdue. Et de par le roi, le cri fut fait à son de trompe, par tous les carrefours, que les aventuriers, gens de peu, faux mendiants et traîneurs de rues, vidassent les lieux, sur peine de la hart. Plusieurs gens du commun fuyaient devant les crieurs ; et, à la fin, il y eut une troupe qu’on mit dehors sur la grand’route, par la porte Baudoyer.

Parmi ce menu peuple, il y en eut trois : Colard de Blangis, Tortigne du Mont-Saint-Jean et Philippot le Clerc, qui, doutant la rigueur de justice royale, restèrent sur la route, hors la ville. Ils étaient d’assez pauvre renommée, mais plus mauvaise mine, et craignaient, le peuple étant inquiet et soulevé par la terreur des boute-feux, d’être meurtris par les rues. Et ils n’avaient pas non plus conscience blanche,