Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/222

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pour divers testons et florins au chat frappés à coins non pas royaux, et dont ils avaient échappé bien difficilement à être bouillis sur le Marché aux Pourceaux.

Ces galants donc, après avoir été sur les champs quelques jours en ça, commencèrent à souffrir de faim, soif et froid ; d’autant que le pays étant en friche, et les oiseaux tombant morts par la gelée (ceux qui étaient restés), il n’y avait ni fruits de la terre ni gibier du ciel. Alors les galants mirent bâton au poing et marchèrent de façon guerrière, disant qu’ils allaient aux guerres du roi, ou, autrement, dans les marches de Guyenne, et qu’ils étaient contraints, pour manque de solde, de vivre sur le plat pays et les passants.

« Il est si vrai, disait Tortigne, que je vais en guerre, qu’il me court sur les talons vingt et cinq gens du guet, archers ou arbalétriers, ou autrement je faux. Et ils n’ont point d’autre but que de me joindre et de marcher avec moi ou moi avec eux. Ce sont gens fort polis et prévenants ; ils m’ont déjà fait asseoir dans des chaises, de façon très commode, qu’ils ont et qu’ils nomment ceps.

— N’as-tu point, dit Colard, été tourné au pilori ? C’est une mode nouvelle de choisir femmes ; elles vous viennent regarder, et messire le valet vous tourne vers la figure de chacune d’elles.

— Insigne réjouissance ! reprit Philippot, j’y fus trois fois ; et la dernière j’avais choisi une dame de