Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs grappes de graines vertes. Les grands chardons fermaient leurs fleurs violettes, la route grise au loin grisonnait encore plus dans le brouillard. Sur l’épaule de la petite montèrent tout à coup deux griffes avec un museau fin ; puis un corps velouté tout entier, suivi d’une queue en panache, se nicha dans ses bras, et l’écureuil mit son nez dans sa manche courte de toile. Alors la petite fille se leva, et entra sous les arbres, sous des arceaux de branches entrelacées, avec des buissons épineux piqués de prunelles d’où jaillissaient soudain des noisetiers et des coudriers, tout droit vers le ciel. Et au fond d’un de ces berceaux noirs, elle vit deux flammes très rouges. Les poils de l’écureuil se hérissèrent ; quelque chose grinça des dents, et l’écureuil sauta par terre. Mais la petite fille avait tant couru par les chemins qu’elle n’avait plus peur, et elle s’avança vers la lumière.

Un être extraordinaire était accroupi sous un buisson, avec des yeux enflammés et une bouche d’un violet sombre ; sur sa tête deux cornes pointues se dressaient, et il y piquait des noisettes qu’il cueillait sans cesse avec sa longue queue. Il fendait les noisettes sur ses cornes, les épluchait de ses mains sèches et velues, dont l’intérieur était rose, et grinçait des dents pour les manger. Quand il vit la petite fille il s’arrêta de grignoter, et resta à la regarder, en clignant continuellement des yeux.

« Qui es-tu ? dit-elle.