Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/43

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plein, et ils resplendissaient étrangement. Les saints avaient autour de la tête un halo d’or ; les larmes des saintes et les gouttes de sang qu’elles avaient versées s’étaient changées en diamants et en rubis qui parsemaient leurs robes diaphanes. Et sainte Madeleine dénoua sur la petite ses cheveux blonds ; le diable se recroquevilla et tomba vers la terre comme une araignée au bout de son fil ; et elle prit l’enfant dans ses bras blancs et dit :

« Pour Dieu, ta vie d’une seconde vaut des dizaines d’années ; il ne connaît point le temps et n’estime que les souffrances : viens fêter la Toussaint avec nous. »

Et les haillons de la petite s’abattirent ; et l’un après l’autre ses deux sabots tombèrent dans le vide de la nuit, et deux ailes éblouissantes jaillirent de ses épaules. Et elle s’envola, entre sainte Marie et sainte Madeleine, vers un astre vermeil et inconnu où sont les îles des Bienheureux. C’est là qu’un faucheur mystérieux vient tous les soirs, avec la lune pour faucille ; et il fauche parmi les prairies d’asphodèles des étoiles scintillantes qu’il sème dans la nuit.