Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/70

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sur la gorge profonde. Les deux hommes avancèrent la tête : sur la route vaguement éclairée, au bord de la rivière, on voyait confusément défiler des masses, se dirigeant vers les pentes du plateau, — et, tout près, on entendait souffler des chevaux qui gravissaient la côte.

« Retournons, à la course, dit Gaonac’h : c’est l’assaut. Toi, à la batterie Est, moi, à la batterie Ouest — un de nous arrivera. »

Alors Palaric reprit le sentier creux, courant malgré la fatigue. Il allait si vite que ses pensées semblaient lui sauter dans la tête. Le dessus du bois commençait à devenir livide ; les cimes des arbres, à droite, avaient des aigrettes roses, et un vent plus froid balançait les feuilles. Le haut du ciel était de nuance pâle ; une belle journée se préparait.

Au moment d’entrer dans les carrières, Palaric saisit, le long du taillis, un cliquetis faible et des piétinements étouffés. Il se jeta dans la broussaille. Étendu sur le côté, il écarquillait les yeux — sans mouvement, malgré les toiles d’araignée humides qui lui claquaient sur la figure. Des hommes passaient, encore obscurs dans la brume du matin, enveloppés de manteaux, montant en ligne déployée, comme un zigzag mouvant sur l’herbe. Le gros attaquait de l’autre côté, sans doute ceux-là devaient être de la réserve. Ils restèrent sur la lisière ; un pli de terrain les dissimulait, et, appuyés sur leurs fusils, ils haletaient, débandés. Palaric ne pouvait fuir devant