Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/82

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ses caresses, des broderies palpitantes. Et les brodeuses ont une vie si légère et des caprices si mobiles que je voulus bientôt lui faire quitter son métier. Mais elle me résista ; et je m’exaspérais en voyant les jeunes gens cravatés et pommadés qui guignaient la sortie de l’atelier. Mon énervement était si grand que j’essayai de me replonger de force dans les études qui avaient fait ma joie.

J’allai prendre avec contrainte le vol. XIII des Asiatic Researches, publié à Calcutta en 1820. Et machinalement je me mis à lire un article sur les Phânsigâr. Ceci m’amena aux Thugs.

Le capitaine Sleeman en a longuement parlé. Le colonel Meadows Taylor a surpris le secret de leur association. Ils étaient unis entre eux par des liens mystérieux et servaient comme domestiques dans les habitations de campagne. Le soir, à souper, ils stupéfiaient leurs maîtres avec une décoction de chanvre. La nuit, grimpant le long des murs, ils se glissaient par les fenêtres ouvertes à la lune et venaient silencieusement étrangler les gens de la maison. Leurs cordelettes étaient aussi de chanvre, avec un gros nœud sur la nuque pour tuer plus vite.

Ainsi, par le Chanvre, les Thugs attachaient le sommeil à la mort. La plante qui donnait le haschich au moyen duquel les riches les abrutissaient comme avec de l’alcool ou de l’opium servait aussi à les venger. L’idée me vint qu’en châtiant ma brodeuse Ariane avec la Soie, je me l’attacherais tout