Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/252

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viens me chercher. » Et elle disait encore : « Je suis assise dans une prairie d’émeraudes, et le chemin qui mène vers moi est de trois couleurs, jaune, bleu et vert. » Et elle disait : « Je suis la reine Mandosiane ; Lilly, viens me chercher. »

Puis Lilly enfonça sa tête dans l’oreiller noir de la nuit et elle ne vit plus rien. Or, le matin, comme le coq chantait, il fut impossible à Nan de se lever et elle poussait des plaintes aiguës, car ses deux jambes étaient insensibles et elle ne savait les remuer. Dans la journée, les médecins la virent et par grande consultation décidèrent qu’elle resterait sans doute étendue ainsi sans jamais plus marcher. Et la pauvre Nan sanglotait : car elle ne trouverait jamais de mari.

Lilly eut grand’pitié. Épluchant les pommes d’hiver, rangeant les nèfles, barattant le beurre, essuyant le petit-lait à ses mains rougies, elle imaginait sans cesse qu’on pourrait guérir la | pauvre Nan. Et elle avait oublié le rêve, lorsqu’un soir où la neige tombait dru et qu’on buvait de la bière chaude avec des rôties, un vieux vendeur de ballades frappa à la porte. Toutes