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Page:Scientia, année 3, volume 6 (extrait), 1909.djvu/13

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non-énumérabilité me paraît être un caractère négatif, si on le comprend sous sa forme classique habituelle[1]. Je voudrais simplement faire observer que l’ensemble des nombres irrationnels, effectivement définis et utilisés est forcément énumérable, car chaque classe possible est énumérable (par exemple, l’ensemble des nombres algébriques est énumérable) et le nombre des classes définies et utilisées par les mathématiciens à un moment donné, est limité. C’est cet ensemble des nombres effectivement utilisés qui constitue le continu pratique des mathématiciens, le seul dont ils se servent réellement. Le continu théorique non énumérable est une conception métaphysique dont nous n’avons pas à nous occuper ici.

Dans cet ensemble plus restreint, l’énumérabilité reparaissant, il nous est possible de définir le concept de simplicité par un procédé analogue à celui qui fut utilisé dans le cas des nombres rationnels. Un tel nombre était regardé comme d’autant plus simple qu’il était plus bref de le définir à partir de l’unité. De même, un nombre irrationnel sera regardé comme d’autant plus simple que sa définition, à partir de l’unité ou, ce qui revient au même, à partir des nombres rationnels, exigera moins de mots.

À ce criterium de simplicité, on doit adjoindre dans certains cas un criterium d’importance, qui se confond partiellement avec lui. Il arrive parfois qu’un nombre irrationnel se rencontre dans un très grand nombre de définitions ; en d’autres termes, un très grand nombre de définitions, en apparence distinctes, conduisent au même nombre. Tel est le cas notamment pour les deux nombres célèbres que les analystes ont pris l’habitude de désigner par les lettres e et . Pour de tels nombres, même si chaque définition particulière

  1. J’ai indiqué ces raisons dans une communication faite au IVème Congrès International des Mathématiciens (Rome, 1908) et je les ai développées dans une Note : Les « paradoxes » de la théorie des ensembles (Annales de l’École Normale, octobre 1908). Dans cette dernière note, j’indique comment à mon avis, tous les ensembles effectivement considérés étant dénombrables, la distinction importante au point de vue pratique est la suivante : les uns sont effectivement énumérables et les autres ne le sont pas. Je dis qu’un ensemble est effectivement énumérable lorsque l’on peut indiquer réellement le moyen d’assigner un rang déterminé à chacun de ses éléments, sans aucune ambiguïté possible.