Page:Scientia, année 3, volume 6 (extrait), 1909.djvu/9

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deux propriétés essentielles de l’ensemble des nombres rationnels : il est partout dense et est énumérable ; il peut donc rendre les mêmes services pratiques. Telle est l’objection que l’on pourrait faire à l’emploi d’autres nombres que les nombres décimaux ; si l’on désire que la largeur d’une porte soit de mètre, on dira au menuisier de lui donner 666 millimètres 7 dixièmes et le résultat pratique désiré sera obtenu avec une précision aussi grande que possible.

Cette objection contient une part de vérité : il est parfaitement exact que l’emploi des nombres décimaux présente de tels avantages pratiques que l’on doit souhaiter voir disparaître les vestiges d’autres systèmes de numération qui subsistent encore, notamment dans la division de la circonférence et dans la division du temps. Mais, ceci accordé, il n’en resterait pas moins évident que l’emploi des nombres décimaux ne permet pas de donner à certaines relations la forme la plus simple qu’elles peuvent acquérir, même si l’on se place exclusivement sur le terrain pratique.

Considérons, par exemple, ce théorème de géométrie élémentaire : les médianes d’un triangle se coupent en un point qui est au tiers de chacune d’elles. Cet énoncé, comme tout énoncé mathématique exprime deux vérités : 1o une vérité purement logique, que l’on obtient explicitement en remplaçant chaque terme par sa définition à partir des axiomes et des principes ; 2o une vérité pratique, la seule dont je m’occuperai pour l’instant. Cette vérité pratique peut s’énoncer, ou se vérifier, de plusieurs manières ; en voici deux particulièrement typiques. Considérons un triangle dessiné avec soin sur un plan ; soit AM une médiane, G le point de rencontre des médianes situé entre A et M. Si l’on a mesuré la longueur AM et trouvé qu’elle est égale à 475,9 mm, on en conclut que la longueur MG est égale au produit de ce nombre par 0,3333, c’est-à-dire est égale à ses 3 dixièmes, plus ses 3 centièmes, plus ses 3 millièmes, plus ses 3 dix-millièmes. Voilà le premier énoncé, et voici le second : si l’on porte, bout à bout, avec un compas par exemple, sur la droite AM, trois longueurs égales à MG, on recouvre exactement cette longueur AM. Ce second énoncé est manifestement plus simple et en même temps plus commode à vérifier que le premier. En ce sens, on peut dire que des deux propositions suivantes :