Page:Scientia - Vol. IX.djvu/413

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rentes, cas observé surtout dans certaines régions de l’Amérique du Sud ; sans aller à cette extrémité, les hommes et les femmes ont des différences de parler qui sont parfois sensibles, même chez les peuples européens. Toute société tend aussi à constituer des classes distinctes, et au fur et à mesure que les membres de chacune de ces classes tendent à vivre entre eux, en se séparant des autres classes, ils se donnent des parlers différents ; les diverses classes sociales d’une grande ville moderne tendent à occuper des quartiers différents ; de plus en plus, elles n’ont entre elles que des rapports extérieurs ; il y a souvent assez loin de la langue de la bourgeoisie dans une grande ville moderne à la langue des ouvriers ; et ni la bourgeoisie, ni les ouvriers ne forment des unités ; il y a des classes et des sous-classes, chacune avec ses particularités linguistiques. On a observé de même des particularités de langue dans les castes hindoues ; les anciens dramaturges de l’Inde prêtaient des parlers différents aux gens des diverses castes, depuis les brahmanes et les rois, qui parlent sanskrit, jusqu’aux gens de castes inférieures, qui se servent de prâkrits fortement dégradés. Là où existe une division du travail, chaque profession a nécessairement ses termes propres qui ne sont pas courants, ou même sont inconnus, en dehors de la profession ; cette différence se combine avec celle du sexe ; car, chez les peuples peu civilisés, les hommes et les femmes remplissent d’ordinaire des fonctions distinctes, les hommes chassant et s’occupant du bétail par exemple, et les femmes recueillant ou cultivant des végétaux. Plus la société se complique, plus les métiers deviennent nombreux et distincts les uns des autres, plus ils absorbent entièrement l’activité des individus qui les pratiquent, et plus par suite se spécialisent aussi les langues techniques correspondantes. On a peine à imaginer seulement la variété des langues spéciales employées chez un grand peuple moderne, et la lecture des manuels techniques laisse deviner l’existence de vocabulaires très distincts dont personne ne possède ni la totalité ni même une partie notable. Les malfaiteurs, les vagabonds, les mendiants ont partout des argots, caractérisés par des dénominations spéciales des objets qui les intéressent particulièrement.

Il n’y a pas à tenir compte seulement des professions qui prennent la part principale de l’activité de chaque homme. Il y a quantité d’occupations et d’activités transitoires qui suffisent à déterminer des parlers spéciaux. Les cérémonies religieuses appellent presque toujours une langue différente de celle que l’on emploie dans l’usage ordinaire de la vie :