Aller au contenu

Page:Scientia - Vol. IX.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

semble toujours avoir été peu dense dans la plus grande partie du continent américain, que les tribus qui parlent ces langues sont demeurées isolées les unes des autres et que toutes les forces de différenciation ont agi sans se heurter à une résistance efficace.

En Europe, la dissolution de l’empire romain a permis la différenciation du latin parlé dans l’Ouest de l’Empire en un grand nombre de parlers distincts ; au IVème siècle ap. J.-C., il n’y avait encore qu’un latin, les différences locales étant minimes et ne gênant nulle part la compréhension ; au Xème siècle, les langues romanes avaient déjà reçu leurs traits essentiels, et le parler d’un Parisien était devenu inintelligible à un Romain. Les parlers locaux ont depuis continué d’évoluer d’une manière autonome, et la différenciation est parvenue à ce point qu’il existe aujourd’hui en France une multitude de parlers locaux qui tous sont du latin transformé et qui néanmoins sont trop distincts pour permettre à ceux qui les parlent de s’entendre entre eux. Ceci tient à ce que, durant longtemps, les rapports entre les hommes qui employaient ces parlers ont été peu fréquents et peu importants, et à ce que, de bonne heure, il s’est formé des langues communes : latin médiéval et français commun, qui ont servi de moyens de communication à tous les individus qui avaient entre eux des rapports suivis. Réserves à l’usage local, les parlers locaux ont pris de plus en plus un caractère particulier, et l’importance même du rôle pris par la langue commune a eu pour conséquence une résistance moindre du parler local à l’isolement. On tend vers une situation où chaque petit groupe humain, composé souvent de quelques individus seulement, aurait un idiome qui lui serait entièrement propre.

Pareille situation est instable, et il y est mis fin de deux manières : par extension d’une langue nouvelle et par substitution d’une langue commune à des parlers de même famille.

D’une part, des populations fragmentées en petits groupes distincts et parlant des langues distinctes sont hors d’état de résister à l’attaque de groupes unis et comprenant des individus nombreux bien organisés ; ces populations sont donc conquises, et elles sont ou détruites ou assimilées : les indigènes de l’Amérique ont été refoulés par les Européens ; les uns ont été tués, d’autres dépouillés de leurs moyens d’exis-