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Page:Scientia - Vol. IX.djvu/420

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très pareils les uns aux autres résultent donc pour la plupart d’extensions peu anciennes, et dont on n’ignore la date que parce que l’histoire commence très tard pour la plupart des peuples et des langues.

L’extension d’une langue entièrement nouvelle n’est que l’un des moyens par lesquels se réalise l’unité de langue sur un domaine étendu. Pour se produire, la réaction contre la différenciation n’attend souvent pas que les parlers soient devenus bien distincts et que les sujets parlants cessent tout à fait de s’entendre entre eux ; cette réaction est, dans bien des cas, constante tout comme la tendance à la différenciation. Une fois une unification réalisée, les effets ont chance de persister aussi longtemps que persistent les causes de l’unification. Le latin est demeuré, avec des changements minimes et pour la plupart communs à tout le domaine, la langue de l’empire romain occidental du Ier siècle av. J.-C. au Vème siècle après. Le français, fixé du XIVème au XVIIème siècle, ne se modifie que lentement, et les modifications s’étendent en général à tous les individus qui l’emploient. Dans de grandes langues communes de civilisation, la résistance à l’innovation est forte, parce que l’innovation doit s’étendre à un grand nombre de sujets répandus sur une aire géographique très vaste. Et c’est un grand bien. Il est permis de souhaiter que l’anglais ne vienne pas à se différencier trop fortement en Amérique ou en Australie, et que les divergences déjà sensibles que l’indépendance politique, la différence de situation et les origines variées des sujets parlants ont introduites entre le castillan et la langue du Chili ou de la République Argentine ne s’accentuent pas de manière à produire des idiomes nouveaux. C’est le rôle de l’école et de la littérature de maintenir les unités linguistiques une fois créées.

Dans les domaines où les parlers locaux appartiennent à une même langue ancienne, l’unité brisée se laisse assez aisément rétablir. Soit une région où s’emploient des parlers qui sont des formes distinctes qu’a prises une même langue par le fait d’évolutions indépendantes, la France du Nord par exemple ; si l’on considère les extrémités du domaine, on rencontre des parlers très différents, et un Franc-Comtois ou un Lorrain ne comprend pas un Picard qui ne comprend pas un Berrichon ; mais il y a d’un groupe à l’autre une série de transitions ; on ne peut tracer nulle part de limites précises