Aller au contenu

Page:Scientia - Vol. IX.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entre dialectes, et les habitants d’un village comprennent toujours ceux d’un village voisin, chacun employant son propre parler. Il y a alors des règles de correspondance dont les sujets parlants ont conscience, et qui leur donnent le moyen de transposer en gros un parler dans l’autre. Il peut se constituer une langue commune en opposition avec tous les parlers locaux : ce n’est pas un idiome nouveau, puisque l’on passe de cette langue commune au parler local, et inversement, au moyen de règles de transposition. Ce phénomène a pris dans l’Europe actuelle une importance décisive ; il en domine présentement tout le développement linguistique ; mais, à des degrés variés, il est de tous les temps. Dès l’instant que des hommes appartenant à des groupes divers emploient des parlers déjà différenciés, ils ont le sentiment de ces règles de correspondance : un Ionien savait qu’à ses ê correspondent, dans des cas définis, des à doriens ou éoliens. Et il est inévitable que, parmi les parlers en usage, il y en ait qui appartiennent à des groupes plus puissants ou supérieurs en civilisation, doués d’un prestige supérieur pour quelque raison que ce soit. Ces parlers servent de modèle aux autres ; on vise à s’en rapprocher, sinon à les parler exactement, dans les relations entre groupes. C’est le commencement de l’évolution qui conduit à créer une langue commune sur la base de l’un des parlers du groupe et à éliminer tout ou partie des innovations étroitement locales.

L’histoire de ces créations de langues communes est diverse et souvent très compliquée.

Le type le plus simple est celui du français : le parler d’une région centrale, qui est celui des chefs du pays et où la civilisation en son centre, devient intégralement la langue commune ; Paris, résidence principale du roi de France, centre naturel de la France du Nord, siège d’une Université puissante qui a eu au moyen âge une forte influence, a donné son parler à la royauté française ; dès le moyen âge, le français commun est la langue de Paris ; les textes écrits en d’autres dialectes n’ont qu’une importance secondaire et, de bonne heure, le français écrit n’est rien que la langue de Paris, telle qu’elle se fixe sous toutes sortes d’influences savantes et littéraires et telle que l’adopte l’administration royale. Les parlers du Midi de la France appartenant à des types tout autres, inintelligibles aux Français du Nord, n’ont exercé