Page:Scientia - Vol. IX.djvu/424

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à toute la partie orientale de l’empire romain. Les cités, qui avaient cessé d’être des États indépendants, acceptent progressivement la langue commune qui se répand même à la campagne, et les parlers grecs locaux disparaissent définitivement dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. L’existence d’un grec commun ne devait pas du reste être de longue durée ; car la dissolution progressive de l’empire, en rompant peu à peu les relations entre les provinces, recréait des conditions favorables à une différenciation ; et ainsi se sont développés, dès le VIIIe-IXe siècle ap. J.-C. au moins, et sans doute avant, les parlers grecs modernes, de nouveau distincts les uns des autres, mais auxquels on s’efforce de superposer maintenant une nouvelle langue commune, fondée en grande partie sur la tradition littéraire.

L’action d’une langue commune ainsi superposée aux parlers locaux rend à supprimer les différences locales, et elle y arrive souvent d’une manière complète, comme dans le cas du grec ancien qui vient d’être cité. Mais cette suppression n’a lieu que d’une manière progressive ; les mots, les prononciations, les formes grammaticales de la langue commune remplacent peu à peu dans chaque localité les formes indigènes. Les textes grecs du Ve siècle av. J.-C. sont vraiment locaux ; mais, à partir du moment où l’alphabet ionien se généralise et où l’on abandonne les alphabets locaux, où se marque ainsi la tendance vers une civilisation hellénique commune, on voit les formes ioniennes-attiques pénétrer partout peu à peu, et les traits propres de chaque parler s’effacent les uns après les autres. Là même où les patois ont, dans la France du Nord, l’air de subsister, ils sont en réa-lité tout pénétrés de français commun. Quand un patois existe concurremment avec une langue commune qui gagne progressivement, tout le prestige est pour la langue commune dont les mots entrent dans le parler local. Parler patois, c’est alors souvent patoiser la langue commune, et il arrive qu’on la patoise à faux. On a nombre de cas où des Grecs non ioniens ont, pour parler dialecte, mis à faux des â au lieu de l’ê ionien parce qu’ils savaient que l’ionien a ê au lieu de la plupart des â dialectaux. Avant de disparaître, les patois se dépouillent ainsi peu à peu de leur individualité. On se rend compte de plus en plus, par la comparaison des aires géographiques qu’occupé chaque mot, que le vocabulaire des patois français se compose en