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Le Nain Noir

d’une fureur voisine de la démence ; je la repousse comme digne seulement des bêtes qui périssent ; mais je ne veux plus perdre de paroles avec vous. »

Il se leva précipitamment ; mais, avant de se renfermer dans sa hutte, il ajouta avec une grande véhémence : « Cependant, de peur que vous ne pensiez encore que ce qui paraît un bienfait de ma part envers le genre humain, découle de cette source sotte et servile qu’on appelle amour de nos semblables, sachez que, s’il existait un homme qui eût détruit les plus chères espérances de mon âme, qui eût déchiré mon cœur en mille pièces, et enflammé mon cerveau jusqu’à en faire un volcan en éruption, et si la fortune et la vie de cet homme étaient aussi complètement en mon pouvoir que ce vase fragile (saisissant un pot de terre qui était à côté de lui), je ne voudrais pas le réduire en atomes ainsi (le lançant avec fureur contre la muraille), non, continua-t-il avec plus de calme, mais avec la plus grande amertume, « je le gorgerais de richesses et de puissance, afin d’enflammer ses viles passions, et le mettre à même d’exécuter ses infâmes projets ; il ne lui manquerait aucun moyen de satisfaire ses vices et d’exercer sa scélératesse ; il serait le centre d’un gouffre qui n’aurait lui-même ni repos ni cesse, mais qui bouillonnerait avec une fureur continuelle, engloutissant tout vaisseau qui s’approcherait de ses limites ; il serait un tremblement de terre, capable de bouleverser même son pays, et de rendre tous ses habitants délaissés, proscrits et misérables… comme moi ! »

L’infortuné avait à peine prononcé ces dernières paroles qu’il rentra précipitamment dans sa cabane, dont il ferma la porte avec la plus grande violence, tira deux verrous, l’un après l’autre, comme pour en défendre l’entrée à tout être de cette odieuse race, qui avait ainsi irrité son âme jusqu’à la frénésie.

Earnscliff s’éloigna du Moor avec un sentiment