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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/330

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susceptibles d’intéresser le lecteur, des préjugés purement nationaux ne viendraient pas s’opposer à leur succès.

Cette romantique contrée, où j’avais l’habitude de passer une partie de l’automne, m’était connue par de nombreuses lectures, par mes propres observations, et plus encore par tout ce que j’avais entendu ; les sites du lac Katrine se liaient pour moi au souvenir de plus d’un ami bien cher, et me rappelaient les joyeuses excursions d’un temps passé. Ce poëme, dont l’action s’écoule au milieu de scènes si belles et si profondément gravées dans ma mémoire, fut un travail fait avec amour, et il ne m’est pas moins doux de m’en occuper aujourd’hui. La coutume particulière à Jacques IV, et surtout à Jacques V, de parcourir leur royaume incognito, me fournit l’idée d’un genre d’incident qui ne manque jamais d’exciter l’intérêt pour peu qu’il soit conduit avec la moindre adresse.

Je puis avouer à présent que le plaisir causé par cet ouvrage ne fut cependant pas exempt d’inquiétudes. Une proche parente, qui, pendant toute son existence, me permit l’affection familière d’un frère, résidait alors près de moi et me demandait souvent quel motif me rendait si matinal (les premières heures de la journée étant celles où je travaillais le plus facilement), je finis par lui confier le sujet de mes méditations, et je n’oublierai jamais avec quelle affectueuse sollicitude elle me répondit : Ne soyez pas si imprudent, mon très cher cousin[1], vous êtes déjà populaire, — plus peut-être que vous ne l’espériez, et plus même que moi et d’autres amis prévenus n’auraient osé s’en flatter. Vous êtes placé très haut, — ne risquez pas de glisser en faisant une tentative hasardée ; car, soyez-en sûr, un favori ne peut pas même chanceler impunément. Je répondis à ces affectueuses observations par les paroles de Montrose :

« Ne pas oser risquer de tout perdre pour tout gagner, c’est craindre trop la fortune ou avouer son peu de mérite. »

— Si je reçois un échec, ajoutai-je, car la conversation est restée fortement empreinte dans ma mémoire, ce sera une preuve que je n’aurais jamais dû réussir ; j’écrirai en prose le reste de ma vie, vous n’apercevrez aucun changement dans mon humeur, et

  1. La dame avec laquelle sir Walter Scott eut cet entretien, était sans doute sa tante miss Christine Rutherford ; à l’époque où cette introduction fut écrite, il n’avait encore perdu aucune parente qu’on puisse supposer avoir été consultée par lui sur des questions littéraires. Lady Capulet, en voyant le corps de Tybalt s’écrie :
     « Tybalt, mon cousin ! l’enfant de ma sœur ! »