Page:Scribe - Le Verre d'Eau ou les Effets et les Causes, 1860.djvu/90

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MASH. C’est pour cela, cependant, que ce matin je lui ai demandé une audience… et je suis sûr qu’elle nous protégerait… car elle m’a accueilli avec un air si aimable et si bienveillant.

ABIG., à part. Il appelle cela de la bienveillance.

MASH. Et elle m’a tendu gracieusement sa belle main… que j’ai baisée. (A Abigaïl.) Qu’avez-vous, la vôtre est glacée ?…

ABIG. Non… (À part.) Elle ne m’avait pas dit cela ! (Haut) Et moi aussi, Masham, je suis déjà en grande faveur auprès de la reine… je suis comblée de ses bontés, de son amitié, et cependant, pour notre bonheur à tous deux, mieux eût valu rester pauvres et misérables et ne jamais venir ici à la cour ; au milieu de tout ce beau monde, où tant de dangers, tant de séductions nous environnent.

MASH., avec colère. Ah ! je comprends… quelques-uns de ces grands seigneurs… On veut nous séparer, nous désunir… Vous ravir a mon amour…

ABIG. Oui, c’est à peu près cela. Silence, on frappe : c’est Bolingbroke, a qui j’ai écrit de venir ! Lui seul peut me donner avis et conseil.

MASH. Vous croyez ?…

ABIG. Mais pour cela, il faut que vous nous laissiez !

MASH., étonné. Moi !…

ABIG. Ah ! vous m’avez promis obéissance…

MASH. Et je tiendrai tous mes serments.

(Il lui baise la main et sort par la porte du fond.)